Le Mat et son histoire
Un homme curieusement habillé marchait à grandes enjambées sur un sentier perdu dans la campagne. Il portait un petit baluchon sur son épaule et s’appuyait sur un bâton qui scandait ses pas. Son habit multicolore était ceinturé et ses guêtres pendaient lamentablement sur ses jambes. On le reconnaissait à son bonnet jaune qui ne ressemblait à aucun autre. D’ailleurs, on se demandait bien où il avait pu le trouver ! Sur sa veste, on pouvait voir une sorte de collerette sur laquelle des boules multicolores étaient suspendues comme en ont souvent les saltimbanques ou les amuseurs. Les gens le regardaient lorsqu’il faisait ses acrobaties ou ses danses bizarres. Ils riaient de lui tout en lui donnant quelques sous.
Le Mat était fou
C’est ainsi qu’il vivait, sans bien savoir qui il était et ce qu’il allait devenir. On l’appelait « Le Mat » ce qui voulait dire en réalité « le fou ». Hélas il avait perdu la raison ! il gardait désespérément les yeux levés vers le ciel comme si une aide allait venir le secourir. Très jeune en effet, il avait été abandonné par sa mère et laissé
seul sur le bord de la route. Il allait de chemins en chemins, perdu et solitaire. La plupart du temps, il marchait vite comme s’il allait quelque part… mais lorsque la fatigue le prenait, et qu’il trainait les pieds, un chat sauvage venait le harceler et l’obligeait à continuer sa route…
La détresse du Mat
Un jour où il parlait tout seul comme à son habitude (jamais personne ne lui adressait la parole !), ses mots se transformèrent en des cris terribles qu’on entendit dans toute la vallée. C’était des cris de détresse. Il n’en pouvait plus : sa vie n’avait pas de sens, il n’avait nulle part où aller, et personne à qui parler. Ce jour là, la folie qui le protégeait sortit de lui et il s’écroula en plein milieu du chemin. Il pleuvait de grosses averses, et il resta là pendant des heures entières dans la boue, trempé par la pluie qui n’en finissait pas de tomber.
Il finit par se relever. A ce moment précis, il sentit que sa détresse devait cesser d’une manière ou d’une autre. Il n’en pouvait plus de vivre ainsi.
Le Mat ne voulait pas se résigner
Il se dit que s’il se résignait et subissait encore cette vie d’errance et de folie, il en mourrait. Soudain il s’imagina autrement, habillé comme les autres qu’il avait vu sur la place du village. Il pourrait peut-être lui aussi avoir un travail et mener une vie digne. Peu à peu ces pensées occupaient son esprit. Il sentit en lui un nouvelle force, quelque chose d’inconnu qui lui donnait du courage. Il se redressa et son baluchon lui parût alors un peu plus léger…
Il se dirigea vers le village, plus décidé que jamais à trouver quelqu’un qui l’aiderait et qui lui donnerait un travail. Il s’imaginait déjà comme les autres ! Mais, lorsqu’il rentra dans le village, les rires des gens, leurs regards moqueurs, et leur indifférence le glacèrent. Il se sentit découragé. Les doutes l’envahirent. Plus encore, sa bouche devint toute sèche. Il sentait une peur terrible et il n’arrivait plus à mettre un pas devant l’autre…
L’étrange rencontre du Mat
La tête basse, il repartit. Peu après, il vit un homme qui s’était pendu à un arbre par le pied et il eut très envie d’en faire autant… pour en finir avec cette douleur qui était devenue insupportable ! Il s’assit près de l’arbre et resta là, immobile, pendant un moment qui dura une éternité… jusqu’à l’instant où cette étrange personnage descendit de son arbre !
Le Mat fut très étonné, à tel point que ce « pendu » se mit à lui parler. C’était en réalité un « Devin » ! Il se suspendait en effet, pour trouver l’inspiration, car à ce moment là, tout ce qu’il désirait savoir ou comprendre descendait dans sa tête. Il ressentait alors un grand calme. Il devenait serein et il adorait ça !
Ce curieux devin l’invita à en faire autant. Et perdu pour perdu, c’est ce qu’il fit. Evidemment, cette posture n’était pas confortable du tout ! il ressentit toute la peine, toute la détresse de l’abandon qu’il avait vécu, car maintenant, il n’était plus tout seul et cela donnait un relief incroyable à sa souffrance. Cet homme mystérieux restait là, tout près et l’encourageait par sa présence et par des mots tendres. Le Mat pleurait, pleurait… il se vidait littéralement de ses larmes. Il se soulageaient peu à peu de sa lourde peine… C’est comme si le « faucheur » le débarrassait de toutes les souffrances qui avaient possedé sa vie.
Lorsqu’enfin, il descendit de l’arbre, il eut l’impression d’être un autre homme. C’était comme si son passé était bel et bien passé… vraiment derrière lui ! Une sorte de douceur dans son corps lui donnait une sensation nouvelle, inconnue, comme si un ange était là près de lui. Un miel coulait doucement à l’intérieur de lui. Il ne se sentait plus seul.
La nouvelle vie du Mat
Le devin lui apporta son aide et Le Mat trouva sa voie. Il découvrit la vie et le travail qui lui convenaient. Au lieu de vivre de ses acrobaties, il enseignait maintenant les gens, de villages en villages, à trouver en eux cet état serein qu’il pouvait maintenant ressentir. Il leur apprenait à profiter de l’instant qui passe. Il leur apportait un nouveau regard sur la vie et leur donnait l’exemple du bonheur de vivre.
Il lui arrivait encore d’avoir des moments de malaise où une souffrance ressurgissait d’on ne sait où ! Chaque fois qu’il se sentait mal, il acceptait de se laisser traverser par sa tristesse, par sa peur, ou par sa colère. Il mettait son corps en suspension et toute cette douleur se transformait, jusqu’à ce qu’elle devienne une sensation de douceur.
Il avait compris que la souffrance la plus cruelle devait être pleurée, sinon, elle finissait par se transformer en folie. C’est pourquoi, il donnait maintenant sa compassion comme cet étrange Pendu la lui avait donnée. Désormais, lorsqu’il passait dans un village, les gens se précipitaient pour l’écouter.
Il était devenu Le Sage.
Dans son baluchon, son bagage de souffrance accumulée était devenue un trésor de sagesse, de connaissance et d’amour ! Il était devenu léger. La vie du Mat était maintenant joyeuse comme celle des 2 enfants qui habitaient la « Maison-Dieu ». Il vivait dans l’abondance de relations riches et intenses. Les gens qu’il rencontraient le comblaient de biens et de sourires. Il était heureux de vivre !
Vous aussi, soyez heureux en vivant
Magnifique histoire, on se laisse porter, et on se sent bien…
Merci beaucoup Nirmala !